Première entreprise du CAC 40 à connaître une mise en examen pour harcèlement moral, France Télécom avait été confrontée à des séries de suicides à la fin des années 2000. Le procès hors-norme de la direction a eu lieu début mai, mettant en lumière les RPS liés aux changements d’organisation.
« En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre par la fenêtre ou par la porte ». C’est ce qu’avait déclaré Didier Lombard fin 2006 face à l’association des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom pour justifier un dégraissage après la privatisation des PTT. Dix ans après une vague de suicides de salariés sans précédent, l’ex-PDG de France Télécom jugé pour « harcèlement moral » a regretté ses propos cette semaine. « Je fais des gaffes. Tout le temps. C’est une erreur », a avoué M. Lombard au tribunal de Paris. Sept anciens dirigeants de France Télécom sont mis en cause.
Lorsque le groupe de télécommunications achevait sa transformation d’entreprise publique à privée, la direction annonçait un plan de 22 000 départs sur 3 ans. Les multiples changements d’organisation et mutations affectaient particulièrement les cadres et employés, qui montraient de nombreux signes de RPS. Dépression, addictions, troubles du sommeil et de l’appétit… avaient été constatés à l’époque par Monique Fraysse, médecin du travail chez France Télécom. Elle avait enregistré une augmentation démesurée de visites spontanées, « un bon indicateur du climat social », et avait fait part de ses inquiétudes aux différents managers et à la direction. Face à l’absence de réaction et 35 suicides plus tard, une inspectrice du travail avait finalement dû alerter le procureur de la République de Paris en 2010.
France Télécom, un cas exceptionnel ?
Dans le courant des années 2000, plusieurs grandes entreprises au contexte similaire étaient également confrontées à des séries de suicides. Aujourd’hui les risques psychosociaux semblent mieux pris en compte. On parle surtout d’absentéisme, de stress, de burn-out ou encore d’addictions dans les secteurs en pleine transformation. « Il y a une réelle prise de conscience des effets des conduites de changement et des modes de management sur la santé au travail », explique Julien Pelletier pour l’Anact (agence nationale pour la QVT). La prévention et l’approche par le Document unique interviennent davantage dans les sociétés, notamment grâce aux actions et conseils des SSTI.
Sources : ActuEL HSE, Anact, La Croix (mai 2019)