La semaine de 35 heures est l’une des spécificités réglementaires en France. Mais, la crise sanitaire et économique redistribue les cartes. Employeurs, pouvoirs politiques et leaders d’opinion repensent la semaine de travail et se demandent si elle ne pourrait pas être ramenée à 32 heures.
Certains pays ont déjà expérimenté la semaine de travail raccourcie. En France, l’idée séduit de plus en plus et certaines entreprises mettent en place des expérimentations.
Un modèle d’organisation du travail aux multiples vertus
Dans un contexte, dominé par la vogue du télétravail, l’organisation du travail constitue un véritable sujet de préoccupation.
La pandémie a remis à plat notre façon de travailler et redonne de la vigueur à la semaine des 4 jours. En effet, la crise a notamment appris aux entreprises que la productivité ne se mesurait pas en termes de temps passé mais en termes de rendement. Les défenseurs de la semaine raccourcie l’affirment d’ailleurs : on serait plus productif en travaillant un jour de moins par semaine (réduction de pauses, meilleure concentration, …).
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Ce temps libre permettrait de mener à bien des tâches que l’on n’a pas le temps d’exécuter lorsque l’on travaille cinq jours d’affilée : passer du temps en famille, s’occuper d’un parent âgé, s’engager dans une association humanitaire, apprendre une langue étrangère, … En d’autres termes, la réduction hebdomadaire du temps de travail aurait un impact positif sur le bien-être au travail.
Pour ses défenseurs, cette initiative s’inscrit également dans une perspective de développement durable. Les entreprises économiseraient des frais d’électricité, l’empreinte carbone diminuerait du fait de la réduction des déplacements domicile- travail, les salariés seraient plus propices à confectionner eux-mêmes leur repas, … Une
A l’étranger, un cap franchi
L’exemple islandais
Depuis 2017, l’Islande a expérimenté la semaine de 4 jours à deux reprises.
2 500 Islandais (soit 1% de la population) ont ainsi vu leur temps de travail hebdomadaire passer à 35h par semaine (au lieu de 40h) sur quatre jours, sans diminution de salaire.
La semaine raccourcie a été testée dans le secteur public, les écoles, les bureaux, les hôpitaux (avant la pandémie) et a fait émerger de nouveaux modes de travail comme la diminution des durées de réunions et l’arrêt des tâches inutiles.
Les études sont prometteuses et mettent notamment en avant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une réduction du stress… Depuis 2019, les syndicats islandais négocient pour diminuer le temps de travail et 86 % des islandais bénéficient donc d’une réduction d’heure. Pour autant, certains salariés n’ont pas supporté ce changement de rythme et ont préféré quitter leur emploi.
Ailleurs dans le monde
Partout dans le monde, des pays ont initié des expérimentations ou songent sérieusement à la réduction d’heure.
L’Espagne espère parvenir à une semaine de 32h. Les entreprises qui le souhaitent vont bientôt expérimenter la semaine de 32h, réparties sur 4 jour, sans baisse de salaire.
En Californie, Mark Takano, représentant démocrate, a présenté cet été un projet de loi visant à réduire la semaine de travail standard de 40h à 32h. Pour les représentants politiques, une semaine de travail plus courte serait bénéfique tant pour les employeurs (augmentation de la productivité et évolution des salaires) que pour les salariés (meilleure qualité de vie).
En Angleterre, une quarantaine de députés a déposé une motion pour demander au gouvernement d’étudier la semaine de quatre jours, ce qui permettrait de diminuer de plus de 20% l’empreinte carbone du Royaume-Uni.
En Nouvelle-Zélande, Unilever (155 000 employés à travers le monde) teste, depuis 2020, la semaine raccourcie, avec un objectif précis : mesurer la performance sur la production et non le temps.
Enfin, au Japon – où la loi permet aux salariés de faire jusqu’à 100 heures de travail supplémentaires par mois – le gouvernement encourage les entreprises à permettre des semaines de quatre jours de travail au lieu de cinq pour leurs employés. Cette incitation vise notamment à réduire le kar?shi (mort par excès de travail), un phénomène fréquent au pays du soleil levant.
En France, premières expérimentations
En France, l’idée fait son bout de chemin. Certaines entreprises font d’ailleurs le choix de la semaine de 4 jours.
C’est le cas, notamment, de l’entreprise LDLC, groupe informatique basé à Lyon. Les dirigeants en sont convaincus : laisser plus de temps libre aux employés les rendra plus productifs. Depuis janvier 2021, tous les salariés (vendeurs, logisticiens, directeurs …) travaillent donc 32h par semaine.
La PME varoise Love-Radius, spécialisée dans les porte-bébés, a, quant à elle, fait le choix d’une formule hybride : quatre mois par ans (de mai à août), les 16 salariés ne travaillent pas le vendredi.
Pour certaines entreprises, la crise liée à la Covid-19 a été un accélérateur. IT Partner, une PME de services numériques, a ainsi opté pour ce format début janvier 2021. Pour les dirigeants, même si l’entreprise a dû repenser son fonctionnement, cette organisation du travail oblige à plus de rigueur et à un meilleur travail en équipe.
Pour autant, l’idée d’une semaine plus courte ne date pas d’hier. Depuis 1999, Yprema, entreprise industrielle du BTP comptant une centaine de salariés, applique ce mode d’organisation. Face à la croissance des effectifs et de la productivité, l’entreprise envisage même de passer à la semaine de 30h.
La semaine de 4 jours implique une profonde mutation de l’organisation du travail qui peut, par ailleurs, s’avérer coûteuse. Les résultats bénéfiques à long terme des premières expérimentations ne sont pourtant plus à démontrer (attractivité, productivité, qualité de vie au travail…).
En France, même si cette organisation reste marginale, la crise sanitaire bouscule les idées reçues et invite au débat. Les heures de travail seraient-elles le bon indicateur de la performance de l’entreprise ?
Sources : Forbes, Capital, Le Figaro, Libération, La Dépêche, bussinessinsider.fr, francetvinfo.fr