D’après le Baromètre Télétravail 2021, avec la crise sanitaire, le nombre de télétravailleurs a atteint 41% des salariés, et le nombre de jours télétravaillés est plus élevé qu’avant : 3,6 jours par semaine en moyenne. Si le télétravail est plébiscité par de nombreux salariés (seulement 14% d’entre eux ne souhaitent pas continuer après la crise), certains ne le vivent pas aussi bien et il devient alors un facteur de l’augmentation des comportements addictifs.
Des addictions de plus en plus nombreuses et variées
Une addiction peut être liée à la consommation de substances psychoactives comme l’alcool, le cannabis, le tabac, pour les plus fréquentes, mais aussi les anxiolytiques et les somnifères. Elle peut également être comportementale : les troubles de l’alimentation sont très répandus depuis longtemps, mais avec internet, depuis plusieurs années, de nouveaux comportements sont apparus?: cyberdépendance aux jeux (jeux d’argent, jeux vidéos), addiction aux écrans, achats compulsifs. L’addiction au travail ou workaholisme est en hausse pour 61% des télétravailleurs, d’après une étude menée par le cabinet GAE conseil, cabinet de conseil spécialisé en prévention des addictions en entreprise, et l’institut Odoxa.
Une addiction peut être initiée par de la curiosité, la recherche d’un plaisir instantané ou de la diminution d’angoisses, de malaises ou de tensions.
Le télétravail réduit le lien social, et « l’addiction c’est la maladie du lien »
La même étude mentionnée ci-dessus constate une hausse des pratiques addictives depuis le début du confinement?; 7 personnes sur 10 sont même en situation de rechute. Selon un sondage Elabe (novembre 2019), 44% des salariés interrogés ont pu remarquer que l’un de leur collègue avait des « pratiques addictives récurrentes, » tendance qui aurait donc augmenté avec la crise.
Parmi les facteurs de développement de ces pratiques, on retrouve?:
- Les troubles de l’humeur
- La dépression
- La diminution de l’hygiène de vie
- Le bouleversement du rythme veille/sommeil
- L’isolement social
- L’ennui
- Le déséquilibre entre vie personnelle et vie professionnelle
- Le surmenage lié à la gestion du temps
- L’exposition à des situations personnelles difficiles
- L’environnement de travail inadapté
D’après Ariane Pommery de Villeneuve, consultante en addictologie dans le cabinet GAE, qui s’occupe de patients souffrant d’alcoolisme à l’hôpital Bichat à Paris, l’absence de lien social serait le facteur favorisant le plus les addictions?: « le lien social diminue, or l’addiction c’est la maladie du lien. »
Comment détecter les salariés sujets aux addictions, même à distance??
D’une part, il faut savoir repérer les situations qui sont à risque?: une personne seule ou n’ayant jamais pratiqué le télétravail auparavant peut mal vivre ce nouveau quotidien et découvrir ce type de pratique. Certaines personnes sont déjà connues comme ayant un passif lié à des conduites addictives et constituent probablement une invitation à une prévention spécifique.
Il est également possible de repérer certains signaux qui sont inhabituels chez les salariés que l’on connait. Certains peuvent éveiller une attention particulière aux risques liés aux excès de consommation :
- Une excitation
- Une logorrhée verbale
- Une surproduction
- Une sur-sollicitation des collaborateurs et/ou de la direction…
- Des phénomènes de retrait
- D’évitement
- De renfermement
- Un comportement moins jovial
- Une personne qu’il faut relancer…
La meilleure façon de repérer ces signaux est de préférer les visioconférences au téléphone, afin de pouvoir constater les signes physiques qui peuvent évoquer des consommations excessives qui restent à accompagner en prévention.
Comment l’entreprise peut-elle prévenir les addictions chez les salariés??
Si le premier conseil à donner aux salariés est de se poser des limites : ne pas boire d’alcool tous les jours, garder un rythme organisé en se levant à la même heure, en continuant à s’habiller, se laver, et surtout de maintenir des liens sociaux, c’est aussi à l’entreprise de veiller à la prévention du risque d’addictions chez ses salariés, en particulier par une attention qui persiste malgré l’éloignement physique.
Dans cette mission, le manager a un rôle capital et doit faire attention à ne pas faire de cette situation exceptionnelle un motif pour demander aux salariés de travailler à n’importe quelle heure de la journée et de la soirée. Cela pourrait engendrer beaucoup de stress chez le salarié qui pourrait alors avoir des pratiques de consommation compensatrices de déséquilibre en particulier psycho-relationnel.
Ainsi, le manager a pour mission de :
- Sensibiliser au risque que le télétravail représente concernant les pratiques addictives
- Echanger régulièrement avec son équipe en privilégiant les visioconférences
- Encadrer l’organisation du travail de son équipe (respect des horaires, incitation à la déconnexion, formation)
- Encourager à maintenir un rythme veille/sommeil et un équilibre vie professionnelle/vie personnelle
- Encourager son équipe à pratiquer une activité sportive régulière
- Alterner travail à distance et travail en présentiel lorsque cela est possible
Lui-même doit bénéficier de soutien et de formation dans ses missions d’encadrement à distance.
L’employeur, quant à lui, peut s’assurer que tous les salariés sont informés des règles d’hygiène et de sécurité présentes dans le règlement intérieur et de la charte de télétravail si elle existe.
Lors de la rédaction du DUER (Document unique d’évaluation des risques) télétravail, la prise en compte des risques au domicile des consommations de psychoactifs est recommandée.
Sources?: